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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 23:19
Un peu de poésie...

Dans une salle d’attente médicale. Un vieux monsieur bavard. M’explique qu’il parle parce que cela le rassure. M’explique qu’il parle surtout du passé ; à son âge, le futur, n’est-ce pas ?… Je lui réponds que seul le présent existe, non ?... Il partage carrément ce point de vue, me répond que, bien sûr, tout autre chose que le présent n’est qu’idées, et d’ailleurs, la science quantique… Une vieille dame, un peu plus loin, s’étonne, radieuse, de la tournure philosophique que prend la conversation. Elle connaît ce monsieur, me le présente comme un érudit, passionné de littérature. Lui, très humble, répond qu’il n’est qu’un homme normal. Lorsqu’il était laveur de carreaux du côté de la faculté de la Sorbonne, il s’amusait des mines ébahies des étudiants, quand il commençait à leur parler du génial Darwin… Et nous parlons philosophie, littérature, un tissu poétique et joyeux se déroule peu à peu dans la salle d’attente. Santé, aussi. Le monsieur décrit ces « diverticules » qu’on lui a trouvés dans le côlon comme un monstre sous-marin tentaculaire qui le terrifie. Il est désespéré de ne plus avoir le droit de manger d’aliments complets, ni de légumes, lui qui adore ça. Je suis scotchée. Tellement inattendu, ce discours, en cette contrée où désormais je vis : un monsieur accroc au végétal et aux céréales complètes ! Du coup, je présente un peu mon personnage : pas d’accord avec les préconisations médicales, Le Cri de la Carotte, patati, Le Rapport Campbell, patata, végane, etc. Le monsieur se lève pour me serrer la main tellement ce qu’il entend le ravit. Veut mes coordonnées. Et me dit que sa fille est végétarienne, et sa petite fille aussi. Lui, il a du mal à s’y mettre. Mais les oiseaux l’ont fait aimer les animaux et comprendre que nous sommes tous reliés... Evoque les pies grièches écorcheur qu’il y avait dans le temps, tel hibou, tel faucon… Se souvient de tous ces volatiles qu’il a vus avec tristesse peu à peu disparaître de la région. Nous imitons à tour de rôle des cris d’oiseaux. Je lui demande si le hibou que j’ai rencontré hier à la tombée de la nuit, et qui, chose incroyable, glapit comme un renard, peut être, à son avis, une femelle Moyen Duc. Il me dit que les oiseaux nous livrent tellement de vocalises variées, surprenantes, absentes de la littérature ornithologique, dans l’intimité de la solitude. Il se souvient de tout ce que pouvait raconter un hibou Moyen Duc, perché dans un tilleul, juste au-dessus de sa tête. Quel bonheur, quel bonheur !!! s’exclame-t-il soudain, ému aux larmes. Je ne peux que confirmer, vivre avec lui cette émotion si forte, que je ressens moi aussi si profondément, à vivre au contact des animaux sauvages. Plus tard, au détour d’une échappée littéraire de plus, je lui parle de ce texte poignant de Jean Giono, La grande barrière, dans laquelle Giono tente en vain de réconforter une hase agonisante. Alors, le vieux monsieur m’offre cette histoire : il était chasseur, et juste avant de mourir, un lièvre s’est agenouillé dans une attitude de supplication, le fixant d’un regard implorant… le vieux monsieur, maintenant, a les larmes aux yeux. Il semble tellement triste, tellement empli de remords. L’ayant dépecé, ajoute-t-il, il constata alors que c’était une hase, enceinte de deux petits. Il n’a plus jamais chassé.

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