Depuis quelques billets, vous aurez (peut-être !) remarqué un thème prédominant chez moi : le questionnement d’autrui comme outil de communication et de changement. Comme par exemple dans Cette après-midi, j’ai papoté avec mes voisins, ou dans Une tentative de simplifier, ou encore dans Une bien jolie question…
Mais, à croire que je radote ou que je suis obsédée par cette question du questionnement (…), je réalise que je l’avais déjà bien abordée dans Le cri de la carotte, où je parlais d’ailleurs de « questionnement psy ». Alors, histoire d’aller jusqu’au bout de la question (haha), je vous offre aujourd’hui un extrait de ce livre, avec la vidéo à laquelle il se réfère.
Tout d'abord, la vidéo, réalisée par le CLEDA à l'occasion d'une Journée contre le spécisme :
Voir aussi l'article du CLEDA :
Samedi 5 juin : Journée mondiale contre le spécisme
L'extrait de mon livre qui se rapporte à cette vidéo :
[...] C’est alors que, une dizaine de jours plus tard, je découvris une vidéo de notre action sur le site du C.L.E.D.A. Je compris que le meilleur m’avait totalement échappé.
Sur cette vidéo, une militante portant un panneau avec photo géante – plus tard je saurai qu’il s’agit de Brigitte Marquet, grande protectrice des pigeons et créatrice du site Internet L’Ambassade des pigeons –, aborde les gens et les questionne au sujet du spectacle de la barquette de viande humaine. Vous avez bien lu : elle les questionne !
Moi, ma seule question se bornait à : « Vous souhaitez des informations ? » Suggérant d’avance que je détenais les réponses.
Ma collègue, elle, questionne à la manière d’une psy, et amène son interlocuteur à découvrir ses propres réponses. C’est formidable !
On ne sent pas de jugement. Par ses questions, elle s’intéresse avant tout au ressenti de l’autre. Elle lui donne une position haute. Elle parle à son affectif et à son intelligence à la fois. De plus, elle manie la douceur, l’humour.
M’est avis qu’il faudrait enseigner cette façon d’être – le plus profond respect – et de faire – le « questionnement psy » – aux militants.
C’est la raison pour laquelle j’ai retranscrit les échanges verbaux qu’on entend dans cette vidéo.
Vous allez voir, c’est fabuleux !! Les questions amènent des réponses qui, au lieu de revêtir l’habituel côté agaçant, étonnent, font sourire, et montrent la capacité d’ouverture de chacun. D’ouverture à la condition animale, bien sûr.
- À une jeune passante de 18-20 ans, accompagnée d’une amie :
- Vous achèteriez cette barquette ?
- On n’achèterait jamais ça !
- Pourquoi ?
- Parce qu’on n’est pas des cannibales.
- Mais quel effet ça vous fait de voir une personne ?
- C’est un meurtre.
- Est-ce que vous faites le lien avec les animaux ?
- (Silence) C’est un peu la même chose.
- Et quand vous achetez de la viande, vous ne vous dites pas que c’est aussi un meurtre ?
- Si… Mais c’est autre chose (haussement d’épaules).
- Pourquoi ?
- Bah, c’est pas des humains.
- Et vous ne pensez pas que les animaux souffrent comme nous ?
- Si, sûrement, mais… (Haussement d’épaules)
- Vous n’êtes pas sûre ?
…
- Qu’est-ce que vous ressentez, quand vous voyez cette barquette ?
- Ah, ça fait un petit peu mal, quand même.
- Quand vous voyez un pied de cochon emballé, c’est la même chose ?
- Ben forcément non, faut être honnête.
- Parce que vous êtes habitué ?
- Voilà.
- C’est une question d’éducation et d’information ?
- Oui, je pense.
- Et encore, nous quand on l’a installée dans la barquette, notre amie (sourire), on ne l’a pas tuée ni fait souffrir, c’est-à-dire qu’on ne l’a pas électrocutée, gavée, séquestrée, castrée, égorgée, vous voyez ?
(Dommage, on ne voit pas la réaction de l’homme, sur la vidéo.)
- À deux couples de jeunes d’environ 20 ans :
- Qu’est-ce qui vous fait rire ?
- Le prix.
- Le prix. C’est encore une belle défense. Quelle impression ça vous fait ?
- Le prix, ce n’est pas cher… Pour une personne… Pour une viande humaine, 258 euros, ce n’est pas trop cher…
- Y a que le prix qui vous fait réagir, alors ?
- Euh, non ! C’est « viande humaine », en fait !
- Est-ce que ça vous choque qu’il y ait une personne humaine dans une barquette ?
- Ouais.
- Est-ce que ça vous choque quand vous achetez de la viande qu’il y ait un animal mort dedans ?
- Non, ça nous choque moins mais, enfin… C’est comme ça depuis la nuit des temps, voilà, c’est comme ça !
- On est habitués ?
- Voilà, c’est ça.
Ce qui ressort de ces cinq minutes vingt-quatre secondes de moments filmés, c’est à chaque fois l’habitude. Seule l’habitude semble expliquer notre consommation de viande. Et dès que l’on y prête attention, il est évident que rien de raisonnable ne la cautionne. Nul besoin d’avoir lu Singer, Francione ou Kaplan pour comprendre cela ! [...]
Dans le prochan article, je vous parlerai encooore de mon goût pour le questionnement... mais dans une tout autre sphère : nous quitterons [un peu] l'aspect militant pour revenir au côté littéraire, et même artistique !