C'est ce que vous saurez en lisant mon article paru dans le tout nouveau tout frais tout beau dernier numéro d'Alternatives Végétariennes, qui vient d'être posté à ses abonné-e-s !
... Bon, en fait, le voici aussi ici !
Pensée et langage
Par Sandrine Delorme[1]
Dans le n° 103 d’Alternatives Végétariennes, David Olivier[2] s’interrogeait sur les liens entre langage verbal et pensée, et sur ce que nous pouvons en déduire quant à la valeur, ou même la simple existence, de la pensée chez les animaux non humains.
Comme lui, je suis d'avis que la pensée existe indépendamment de notre langage articulé. En tant qu’orthophoniste, je me suis formée à l’aide aux enfants souffrant de « troubles de la structuration de la pensée logique » et aux gestes mentaux que nous mettons en œuvre pour comprendre, mémoriser, imaginer, créer, déduire, anticiper, réussir... Dans mon métier, on rencontre des individus souffrant de pathologies linguistiques ; par exemple, tel enfant n’a pas acquis un certain stade de sériations logiques et a toutes les difficultés du monde à utiliser les expressions « plus que » et « moins que », mais il pense. De même, telle personne subit un accident vasculaire cérébral et perd la capacité de mettre en mots sa pensée (aphasie) et pourtant, elle reste pleinement consciente, capable de réfléchir, bien que privée du langage oral comme écrit… Mais nul besoin de pathologie : qui ignore, à notre époque, que même le petit enfant qui au début de sa vie ne parle pas, pense ?
Par ailleurs, nous ne nous servons pas tous des mots pour créer des images mentales à partir d’une pensée. Entre autres travaux, ceux du philosophe et pédagogue Antoine de La Garanderie ont révélé que certains d’entre nous sont plutôt visuels, d’autres auditifs, d’autres encore, kinesthésiques. Parmi les visuels, certains traduisent leur pensée en mots écrits, d’autres en images, le tout en couleurs ou pas. Parmi les auditifs, certains entendent leur propre voix, d’autres celles d’une tierce personne, d’autre, une mélodie, etc. Certains sont à la fois visuels et auditifs, voire kinesthésiques ; ils ont besoin de tous les canaux.
Oui, la pensée se construit et existe en l’absence de mots. Bien sûr, ces derniers ont l’avantage d’être de précieux outils qui permettent de manier aisément des opérations abstraites complexes. Mais leur absence ne signifie nullement une absence de pensée ! Tout comme leur présence ne garantit pas l’efficience de celle-ci : je pense à certains troubles dans lesquels la personne utilise un langage complètement déconnecté des émotions et dont les phrases syntaxiquement impeccables témoignent d’une pensée morcelée, éclatée – comme dans certains cas de schizophrénie.
Les émotions : domaine trop souvent méprisé par l’humain qui se veut exclusivement de raison et d’intellect. De plus en plus, les psychologues valorisent le Quotient Émotionnel, plus apte que le Quotient Intellectuel à rendre compte de la sérénité d’un être humain ; plus celui-ci serait capable d’identifier ses propres émotions comme celles d’autrui, plus il parviendrait à se faire une belle place dans la vie. Or, les animaux non humains sont bien davantage connectés aux émotions que les animaux humains : la flopée de mots dont nous sommes si fiers (tout comme nos conventions psychosociales) les recouvrent, les masquent, s’acharnent à les faire oublier… bien souvent à notre détriment. Ainsi, les mots ne sont pas uniquement des outils ; ils sont aussi des entraves ; bien souvent, ils nous empêchent de vivre en paix, c’est-à-dire de nous adapter correctement aux exigences de notre milieu en respectant le mieux possible nos désirs…
Soyons humbles : si nous avons les mots, les autres animaux ont eux aussi des outils de communication tels le sonar ou l’émission de signes qui nous échappent et dont nous ne pouvons avoir une représentation satisfaisante. Par ailleurs, n’oublions pas que dans une situation conversationnelle, les informations essentielles ne sont véhiculées que pour une part infime par les mots : entre 15 et 30% ! Les gestes, la respiration, la prosodie, le rythme, les mimiques, etc., sont une mine de renseignements pour l’interlocuteur, à tel point qu’il pourra retenir du discours de l’autre tout à fait le contraire de ce qu’escomptait faire passer celui-ci via ses mots…
Les compagnons des chiens et chats – pour ne citer que ces animaux – ont moult fois expérimenté que leur ami à quatre pattes les comprenait malgré l’absence d’énoncé verbal. Pour ma part, dès que j’enfile mes bottes de caoutchouc, mes trois chats savent que le moment privilégié d’une promenade avec eux se profile ; ils se précipitent dans leur chatière pour débouler sur le perron de la maison où, alors, ils m’attendent avec des regards ardents[3].
En ce qui concerne nos relations avec les animaux, il nous faut donc rechercher des modalités de communication communes qui dépassent notre langage articulé.[4]
[1] Sandrine Delorme : orthophoniste, nouvelliste (N’aie jamais d’enfant, L’Entière Vérité), essayiste (Le cri de la carotte, Militer permet de…) et militante pour la libération animale. Son site Internet : http://www.afleurdeplume.com
[2] David Olivier : militant antispéciste, auteur de nombreux articles, notamment dans Les cahiers antispécistes, conférencier. Son site Internet : http://david.olivier.name/fr.html
[3] Leur comportement assez « chien » vient sûrement du fait que depuis leur plus jeune âge, je consacre énormément de temps à communiquer avec eux, par le biais de câlins et jeux. Ainsi en sommes-nous arrivés à nous balader régulièrement tous ensemble, dans une zone naturelle protégée qui entoure l’endroit où nous passons nos vacances.
[4] Petite anecdote personnelle : depuis un stage de communication animale avec la militante Jodi Ruckley , j’ai décidé de moins parler à mes chats et d’entrer en communication avec eux par le biais d’images photographiques ; un jour, j’ai surpris ma chatte Twelvie en train de m’observer d’un air morne, plein d’ennui voire de nostalgie. Je m’appliquai alors à lui transmettre mentalement l’image du chalet alpin où elle aime passer les vacances avec moi, afin de lui suggérer ce lieu paradisiaque. Alors, elle est venue se coucher près de moi, toute ronronnante, ce qui ne lui arrive jamais en-dehors de ce chalet.
Initialement, je parlais aussi dans mon article de la relation entre pensée, langage et souffrance. Comme mes propos étaient largement inspirés de ma lecture de Fondements éthiques pour une alimentation végétarienne (que je cite pas moins de 13 fois dans Le cri de la carotte, m'avait fait remarquer mon éditeur !), il a été finalement décidé d'enlever mon laïus sur la souffrance et d'ajouter à la suite de mon texte des extraits de cet excellent ouvrage de Helmut F. Kaplan, extraits que vous pourrez découvrir... ben, dans Alternatives Végétariennes !
À ce propos...
Non contente de vous avoir listé cet été "plus de cinquante (excellentes) raisons pour passer de l'indignation à l'action !", j'ose maintenant vous suggérer trois (bonnes) raisons d'adhérer à l'Association Végétarienne de France, héééééééé oui !
1 - En adhérant à l'AVF, vous recevrez la revue Alternatives Végétariennes. Elle vous apportera des infos utiles (santé, gastronomie, décrets gouvernementaux, actions...), en plus de réflexions de fond.
2 - Si vous êtes végéta*ien, végane, c'est un moyen essentiel d'augmenter notre représentativité politique. Et ce, quelle(s) que soi(en)t, par ailleurs, la ou les assos au sein de la ou desquelles vous militez [éventuellement] !
3 - C'est une façon de contribuer à défendre la liberté de penser en France. Si l'on est végé et français, on se doit de réagir contre le fameux décret inepte et de, tout de même ! ne pas laisser un Anglais tel que Paul Mc Cartney s'insurger seul contre Bruno Le Maire Plus d'infos : www.icdv.info