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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:53

AuteurE ?...   Figurez-vous que l’on m’interroge régulièrement à ce sujet, voire que l’on m’agresse. Oui, carrément : que l’on m’agresse ! Assise à ma table de dédicace, je me reçois parfois en pleine face des « Je n’achèterai jamais le livre de quelqu’un qui écrit auteur avec un e !!! ».
… Ou bien, comme tout récemment, l’on me prévient que « ça parle de moi » sur Facebook, précisément sur ce thème-ci.
Je découvre alors des propos affirmant que puisque l’Académie Française n’autorise pas ce terme, il m'est interdit d’employer ce barbarisme qui, de plus, et oh, sacrilège doublé d’horreur, n’a aucune légitimité historique.


Alors voici ma réponse, ici et une bonne fois pour toutes : l'orthographe est le reflet d'une culture, tout comme, par exemple, la corrida ou la viande. Doit-on dire amen à toute culture, tradition ?...

Je choisis de plébisciter les néologismes lorsqu'ils ont une raison d'être politique, éthique ou poétique, et j’ajoute que chaque mot que j'orthographie l'est avec conscience - j'ai toujours été excellente en orthographe et estime avoir donc le droit de modifier ce qui me paraît devoir l'être...


Sentient, végane (qui plus est avec cette orthographe sciemment plébiscitée qui en fait bondir plus d’un), spéciste, antispéciste… ont-ils leur droit d'entrée à l'académie française (sans majuscules et c’est bien sûr intentionnel) ? Si oui (car en fait je l'ignore), depuis combien de temps ? Ils ont été créés pour rendre compte d’une réalité, et par volonté éthique de faire connaître cette réalité.
Il en va de même pour auteurE. N’en déplaise à ceux - et même à celles ! - qui veulent croire qu’en ce monde, la société n'est pas moins juste pour les femmes que pour les hommes, ou que, si c'est le cas, ce n’est pas si grave que cela.


AuteurE est un lexème éminemment politique et antipatriarcal ; voilà pourquoi il agace tant. Je rappelle que la cadeum’i franchouillarde  est réputée pour sa population très majoritairement masculine (et conservatrice).

Heureusement, de plus en plus de femmes, et même d'hommes, en quête de justice et moins frileux que d'autres, intègrent cet "auteure" comme d'autres noms de métiers féminisés.

Une petite manif’ vous tente ? Son objectif annoncé :
Pour que dans la langue, comme dans la vie, le masculin ne l’emporte plus sur le féminin ! Dans le texte d’appel, on peut lire : [...] En 1767, le grammairien Nicolas Beauzée écrivait : "Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle". [...]
C’est pas une raison, ça, pour adopter illico auteurE ?... *

Je rêve d’une orthographe asexuée qui serait le reflet d’une société antisexiste, dans laquelle l’identité sexuelle importerait moins que l’identité tout court, celle d’individu sentient. Mais en attendant, je ne vois pas d’autre solution que d’en passer par là.


Un livre qu'au passage je conseille à quiconque en a ras la casquette de ces conneries de Mars versus Vénus véhiculées à grand renfort débilo-médiatique :

51uL3IIzJdL._SL500_AA300_.jpg(Cliquer sur l'image pour en savoir plus.)

 

Sourions tout de même un peu.

Je tiens de mon voisin, pas le boucher mais le Belge, que dans son beau et plat pays qui compte la merveilleuse ville de Gand, ne pas se comprendre linguistiquement arrive sans cesse, puisque certains ne parlent que le néerlandais, d'autres que l'allemand et enfin d'autres uniquement le français. Du coup, on communique comme on le peut, et l'on s'estime content lorsqu'on y parvient. On attache de l'importance au sens véhiculé bien davantage qu'à la forme. Aussi, mon cher et belge voisin ne peut s'empêcher de sourire ironiquement face à ce genre de situations ridicules auquel il se trouve parfois confronté, dans notre montagneux et fier pays qui est le nôtre ; exemple :
- lui, au serveur d'un restaurant :
« Pouvez-vous m'indiquer la toilette ?»
- le serveur : « La quoi ??...»
- « La toilette !»
-
« La quoi ??...»
Ben oui : tu sais pas parler français mon gars ? Démerde-toi ! Ici t'es dans le pays où c'qu'on cause la langue avec un grand L, et toute réponse exige une question en bonnet difforme !
Bref.
J'aime bien cette blague des Belges qui savent eux aussi nous moucher :

«
Savez-vous pourquoi en France, on dit "les toilettes" ?
...
Parce qu'il faut en visiter plusieurs pour en trouver une de propre !
»


Je ne pourrai hélas pas participer à la manifestation d'Osez le féminisme, ce mardi, à 18h, devant l'Académie Française...

En revanche, je serai à celle de samedi (cliquer sur l'image pour les infos ad hoc) :

manifestation-collectif-2012-finale-web.jpg
Et vous ?...

* Lire aussi ce très intéressant article - www.lemonde.fr/ societe/article/2012/01/14/genre-le-desaccord_1629145_3224.html - que j'ai découvert grâce au commentaire de Françoise (ci-dessous) et selon lequel "La règle précisant que le masculin l'emporte sur le féminin finit par s'imposer au XVIIIe pour des raisons qui ne doivent pas grand-chose à la linguistique : à cette époque, la supériorité masculine va tout simplement de soi. "Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte", affirme l'abbé Bouhours en 1675. "Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle", complète élégamment, en 1767, le grammairien Nicolas Beauzée. "

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commentaires

A
Je trouve cela tellement ridicule et dérisoire de mettre un e à auteur, c'est pour cela que ça agace autant. Un écrivain célèbre a écrit que le feminisme était le dernier totalitarisme, en vous lisant je ne peux pas le contredire malheureusement.
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P
Bonjour,<br /> Je suis agrégée de lettres modernes et je partage totalement votre avis. J'ai assez étudié la grammaire en diachronie et en synchronie pour savoir que nombre de décisions des grammairiens et de la sacro-sainte Académie sont, au mieux, complètement arbitraires, au pire, empestent l'idéologie. Beaucoup avanceront l'idée que c'est moche et que ça fait bizarre pour s'éviter de penser. Pourtant, je suis doctorante en littérature comparée et ce qui me fait bizarre, à moi, c'est d'écrire "les auteurs de mon corpus" quand en réalité il y a une dizaine d'hommes et une dizaine de femmes parmi les auteur.e.s. que j'étudie. Comme vous, je ne crois pas au mythe du masculin universel qui n'a jamais été une catégorie du neutre et je n'hésite pas à en faire part à mes étudiant.e.s, Académie ou pas.
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C
"comme je suis...j'estime avoir le droit de..." Un raisonnement plein de suffisance. Bref, pour en<br /> revenir aux féministes, leur combat tend franchement vers la médiocrité ; ces relents d'aigreurs dans, visiblement, ce sentiment d'infériorité, ne grandissent pas leur lutte pourtant légitime . La parité à tout prix devient un extrémisme inepte: qu'ai-je à faire par exemple d'une parité parfaite dans les membres d'un gouvernement, quand seules les compétences importent? Mais s'il s'agit de militer pour un salaire identique? là oui, évidemment. Me sentir supérieur parce que la convention préfère omettre les "e" ? idée ridicule véhiculée par des femmes complexées; car finalement il s'agit plus de neutralité et de simplification que misogynie.<br /> Et puis auteurE, c'est si laid...
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A
"AuteurE est un lexème éminemment politique et antipatriarcal ; voilà pourquoi il agace tant"<br /> En ce qui me concerne, je déteste ce mot pour une toute autre raison : je trouve sa construction extrêmement laide en plus d'être inefficace (à l'oral on n'entend pas la différence), et lui préfère<br /> d'autres façon déjà existantes et bien plus belles de décliner les mots au féminin, par exemple : auteur/autrice (on dit bien lecteur/lectrice), chercheur/chercheuse, professeur/professeuse (on dit<br /> bien masseur/masseuse).
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R
Bon mais, sinon, faut-il réellement 2 "n" à "une auteure de science fictionne" ?...
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