Les militants pour la libération animale[1] s’impatientent. Ils n’en peuvent plus que malgré leur véganisme au quotidien, malgré leurs actions en veux-tu voilà la condition des animaux dans le monde ne fasse qu’empirer. Alors ils organisent encore plus d’actions. Alors ils décident que chaque mois, ils créeront une action antispéciste : plus question de demander une amélioration des conditions de détention ou/et d’assassinat de tel ou tel animal plus ou moins émouvant pour le public, mais de revendiquer l’abolition ferme et définitive de toute exploitation d’un être sentient[2] ! Parce que JUSTICE, à la fin !!! Marre de la fermer par crainte de choquer le public et de se contenter d’exiger des mesurettes qui ne changent rien au schmilblick, voire le renforcent !
Les activistes de l’abolition cogitent ferme[3] : ils veulent de l’ef-fi-ca-ci-té. Les esclaves ne peuvent plus attendre. Rien que dans les deux minutes qui m’ont été nécessaires à pianoter ce début de billet, 200 000 animaux destinés à la nourriture humaine ont été rayés de la carte du monde, sans compter les poissons et autres individus marins[4], tellement plus nombreux !!! De quoi donner le vertige, non ? Pourquoi est-ce que mes doigts ne tapent pas plus vite ??? À l’heure actuelle, tout devient question de vie ou de mort…
C’est le moment que je choisis pour avoir un problème de pied. Du coup, je suis immobilisée : ne peux plus aller travailler, ne peux plus sortir, juste me poser et prendre le temps. Quelle chance inouïe ! Du coup, entre autres activités plus réfléchies, je m’attarde bien davantage sur les phrases des tracts, tente de me mettre à la place des passants qui voient ces gars et filles hurlant des slogans ou silencieux, des cadavres d’animaux dans les bras, puis découvrent un texte censé leur expliquer de quoi il est question, et pourquoi et en quoi et comment ils doivent dès maintenant, au plus vite, absolument, changer des choses qu’ils croyaient jusque là capitales dans leur existence.
C'est comme ça que j'en arrive à me livrer à un petit exercice critique : j'annote et modifie à ma convenance un laïus de présentation lu sur Facebook, concernant un tract qui devrait être distribué lors d'une action Deuil des Animaux qui aura lieu le 7 janvier à Toulouse (voir la page Facebook "Anim'ô Toulouse"). Je me dis que tiens, je ne savais pas trop quoi écrire comme article, cela pourrait donner matière à ! Nous y voilà.
Le tract, suivi de mes corrections… qui bien entendu, sont tout à fait critiquables :
parce que les animaux sont des êtres sensibles à la douleur et au plaisir
parce qu'il n'est pas nécessaire de les exploiter ni de les tuer pour vivre une vie heureuse et satisfaisante,
parce que les conditions de vie et de mort des animaux exploités, pour la très grande majorité d'entre elles, sont indignes d'une espèce censée posséder l'intelligence,
parce que les animaux sont actuellement considérés dans les textes de loi comme des objets,nous demandons l'abolition de toutes les formes d'exploitation animale telles que :
-l'élevage
-la pêche
-la vivisection
-la fourrure
-la chasse
-la corrida et tous les jeux aux dépens des animaux
-les cirques
-les zoo
Nous sommes des Vegan , c'est à dire des personnes qui, dans leur vie quotidienne, n'utilisent aucun produit d'origine animale ou ayant été testé sur les animaux (c'est simple et peu onéreux !)
et nous sommes heureux de ne pas contribuer au plus grand massacre existant et ayant jamais existé: celui des animaux non-humains.
Nous demandons LA LIBERATION ANIMALE par cette action mensuelle, qui se déroule simultanément dans de nombreuses autres villes françaises et étrangères.
Rejoignez -nous !
En gras, le texte ; en bleu, mes "apports" :
parce que les animaux sont des êtres sensibles à la douleur et au plaisir
Je rajouterais : conscients. En fait, je préférerais : parce que les animaux que nous avons coutume d’exploiter sont des êtres conscients et sensibles à la douleur et au plaisir
parce qu'il n'est pas nécessaire de les exploiter ni de les tuer pour vivre une vie heureuse et satisfaisante,
Pourquoi ne pas s’arrêter à heureuse ?
parce que les conditions de vie et de mort des animaux exploités, pour la très grande majorité d'entre elles, sont indignes d'une espèce censée posséder l'intelligence,
Pourquoi « pour la très grande majorité d'entre elles » ? Par définition, « être exploité » est quelque chose d’insupportable.
Pourquoi ramener cette souffrance à la dignité humaine ou à l’intelligence ? Quel rapport ? Est-ce antispéciste que de se préoccuper d’abolir l’exploitation animale pour préserver son idée personnelle de la dignité et de l’intelligence ?
Pourquoi faire un hiatus entre espèces, si on est antispéciste ? Yves Bonnardel, dans Espèces et éthique, objecte qu’il faut en finir avec le terme d’espèce. Et ne met-on pas dans l’esprit du quidam que oui, nous sommes l’espèce intelligente, et pas les autres ?
Bref, un passage en trop. Ou alors, juste :
parce qu’aucun individu n’aime être exploité, juste après parce que les animaux que nous avons coutume d’exploiter sont des êtres conscients et sensibles à la douleur et au plaisir
parce que les animaux sont actuellement considérés dans les textes de loi comme des objets,
Inutile ! On vient de dire bien pire, bien plus antispéciste. Cela diminue carrément la portée de message qui précède.
nous demandons l'abolition de toutes les formes d'exploitation animale telles que :
Enlever « telles que », qui donne l’impression que la liste n’est pas exhaustive alors qu’il y a « toutes » pour contredire cela.
-l'élevage
-la pêche
-la vivisection
-la fourrure
-la chasse
-la corrida et tous les jeux aux dépens des animaux
-les cirques
-les zoo
Nous sommes des Vegan , c'est à dire des personnes qui, dans leur vie quotidienne, n'utilisent aucun produit d'origine animale ou ayant été testé sur les animaux (c'est simple et peu onéreux !)
Pourquoi entre parenthèses ? N’est-ce pas important pour les gens ? Où sont, dans ce texte, les alternatives, les solutions positives concrètes proposées aux gens ? Du réel qui donne vraiment envie de passer des sentiments à l’action ?
Là, on a l’impression d’une secte - « Les Vegan » -, avec ce discours bien joli mais abstrait, avec aussi cette orthographe qui ne fait pas français en plus (je préfère véganes) : une secte qui vient d’où ? Des USA ? Et pourquoi ce « nous » qui sonne un peu fier, et sectaire, et instaure une distance avec « les autres » ?
et nous sommes heureux de ne pas contribuer au plus grand massacre existant et ayant jamais existé: celui des animaux non-humains.
Tant mieux pour vous !
Forcément : dans une secte, on se dit toujours « heureux ».
« Le plus grand massacre » : à ce point ? On veut des chiffres !
Nous demandons LA LIBERATION ANIMALE
On l’a compris. Mais comment est-ce possible ? Comment les chercheurs vont-ils soigner les cancers ? Comment vais-je pouvoir manger au travail ? Tout ça est bien abstrait. De grands mots pompeux dénonnectés. Un peu comme les discours des sectes.
Il manque des liens Internet !!!
par cette action mensuelle, qui se déroule simultanément dans de nombreuses autres villes françaises et étrangères.
Et par notre boycott au quotidien de la consommation issue de l'exploitation des animaux.
Rejoignez -nous !
J'enlève cette injonction, suite au commentaire de Coralie ! (voir les commentaires)
Le tract remanié à la sauce Sandrine donne au final :
Parce que les animaux que nous avons coutume d’exploiter sont des êtres conscients et sensibles à la douleur et au plaisir
Parce qu’aucun individu n’aime être exploité
Parce qu'il n'est pas nécessaire d’exploiter ni de tuer des animaux pour vivre une vie heureuse
Nous demandons l'abolition de toutes les formes d'exploitation animale :
-l'élevage
-la pêche
-la vivisection
-la fourrure
-la chasse
-la corrida et tous les jeux aux dépens des animaux
-les cirques
-les zoo
Par cette action mensuelle, qui se déroule simultanément dans de nombreuses autres villes françaises et étrangères,
Par, au quotidien, notre refus de consommer tout produit issu de l'exploitation des animaux,
Nous œuvrons pour un monde qui prenne en compte les besoins élémentaires de tous les individus, même ceux des plus faibles et des plus « différents ».
***
Toutes les raisons de se positionner pour la libération animale : viande.info
Comment ne plus consommer de la souffrance animale : au début cela nécessite de faire attention à ses achats, et de modifier ses habitudes. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? Quantités de livres, de sites Internet et d’associations se font fort d’aider les apprentis véganes – végane : qui refuse de consommer des produits issus de l'exploitation animale. Rapidement, le plaisir de consommer en conscience et sans nuire sera rejoint par celui de découvrir de nouveaux plats, de nouvelles marques, de nouveaux produits, tout aussi agréables que ceux auxquels on était jusqu’alors habitué-e.
***
J’ai pris connaissance de deux autres tracts présentant le mouvement abolitionniste : www.abolitionistapproach.com/media/pdf/ARAA_Pamphlet_French.pdf et vegan.fr/media/pdf/tract-emancipationanimale.pdf. Je ne vois rien à modifier (ou peut-être la pointe de québécois qu'on sent dans le deuxième, mais perso j'adore) ! Je les trouve juste parfaits (c’est louche). Et vous ?
***
Tract nouvellement remanié suite à vos commentaires :
Parce que les animaux que nous avons coutume d’exploiter sont des êtres conscients et sensibles à la douleur et au plaisir
Parce qu’aucun individu n’aime être exploité
Parce que l'on peut mener une vie heureuse sans exploiter ni tuer d'animaux
Nous demandons l'abolition de toutes les formes d'exploitation animale :
-l'élevage
-la pêche
-la vivisection
-la fourrure
-la chasse
-la corrida et tous les jeux aux dépens des animaux
-les cirques
-les zoo
Par cette action mensuelle, qui se déroule simultanément dans de nombreuses autres villes françaises et étrangères,
nous œuvrons pour un monde qui prenne en compte les besoins et aspirations de tous les individus, même ceux des plus faibles et des plus « différents ».
Pourquoi et comment se positionner pour la libération animale : pense-bete.org
Et VOUS, qu'en pensez-vous ?...
[1] Ne pas confondre avec libération des mœurs, quoi que…
[2] [Pub !] Pour celles et ceux qui ont du mal avec certains termes, se reporter au glossaire de mon essai Le cri de la carotte.
[3] Cf le même ouvrage que chaudement recommandé en NBP2. Lire aussi le blogue Les questions composent.