FAUT-IL MANGER DES ANIMAUX ?
C’est le titre du très médiatisé essai de l’Américain Jonathan Safran Foer, paru en janvier 2011 aux éd. de l’Olivier, avec une traduction de Gilles Berton et Raymond Clarinard. C’est aussi le troisième livre d’un écrivain dont les deux premiers romans ont remporté un franc succès.
L’un des points forts de Faut-il manger des animaux ? est, justement, son style très agréable, ses enchaînements judicieux, son humour qui apporte un peu de légèreté et de recul : l’auteur prend plaisir – et nous communique ce plaisir – à nous emmener en voyage, et c’est tant mieux, d’autant plus qu’il s’agit bien entendu d’un voyage en enfer. Qui plus est, un enfer qu’on sait bien réel.
Enfin, en écrivain décidément doué, Jonathan Safran Foer manie les métaphores et les comparaisons avec justesse : elles permettent à chaque fois de mieux appréhender l’ampleur des problèmes liés à la viande.
Un autre point fort est le nombre de témoignages divergents accumulé, et les enquêtes que Jonathan – pour davantage de simplicité, appelons-le par son prénom – a menées lui-même, non sans risque parfois. Cela confère une grande honnêteté d’esprit à ce livre, une légitimité dans les réflexions, dans les analyses qu’apporte notre à la fois essayiste et protagoniste.
Un troisième point fort, que je qualifierai même de très fort, concerne les développements des aspects suivants du « problème viande » :
- la cruauté inhérente à toute exploitation des animaux, avec des passages expliquant les comportements normaux des animaux lorsque ceux-ci vivent dans des conditions idéales, leurs désirs, leurs besoins, leurs émotions, leur intelligence et leur conscience ;
- les manipulations génétiques qui ont donné lieu à des bêtes très différentes de celles qui existent ou existaient dans la nature, des bêtes affreusement malades et souffrantes ;
- le danger sanitaire énorme qui pèse sur les humains, du fait des objectifs et conséquences de l’élevage concentrationnaire industriel ;
- les liens étroits entre droits de l’homme bafoués et droits des animaux ignorés, entre cruauté envers les hommes et sadisme envers les animaux (hallucinante fréquence des actes sadiques dans les abattoirs, en plus de la non moins grande fréquence des ratés – animaux ébouillantés, désossés, dépecés en pleine conscience – fréquences qu’avant la lecture de ce livre, j’ignorais !!!)
- la responsabilité de chaque humain-e ; autrement dit : la solution est à la portée de chacun-e. Et que Jonathan, mangeur de viande en commençant son livre, ait depuis, en toute connaissance de cause, opté pour le végétarisme, apporte un exemple on ne peut plus puissant.
Je pourrais continuer la revue des points forts, nombreux, de cet ouvrage : les interrogations de son auteur quant à ce que signifie manger, partager un repas, son chapitre consacré à ces autres si méconnus que sont les poissons, etc. Mais ceci n’est qu’un humble billet ! Passons donc aux…
Extraits :
[…] Entre 1935 et 1995, le poids moyen des poulets de chair a augmenté de 65%, tandis que la durée de leur croissance maximale chutait de 60% et leurs besoins en nourriture de 57%. Pour se faire une idée radicale de ce changement, il faut imaginer des enfants atteignant 150 kilos à l’âge de dix ans tout en ne mangeant que des barres de céréales et des gélules de compléments vitaminés. […]
[…] Plus graves, mais plus insidieuses, sont les souffrances qu’engendrent l’ennui, l’isolement, le refoulement du puissant désir de la truie de se préparer à l’arrivée de ses petits. Dans la nature, elle passerait le plus clair de son temps avant l’accouchement à fourrager pour bâtir un nid d’herbes, de feuilles ou de paille. Pour éviter une prise de poids excessive et réduire encore les coûts de l’alimentation, la truie en cage est peu nourrie, et a souvent faim. […]
Un copain m’a écrit que deux de ses amies, suite à la lecture de Faut-il manger des animaux ?... eh bien, n’en mangent plus ! Je n’ai aucun mal à le croire.
Un livre à dévorer et à transmettre. Un de plus. Youpi !!
(Personnellement, je l'ai commandé dans la boutique de L214 : clic, et je viens, après lecture, de l'offrir à mon père.)