Mes parents habitent un chalet à flanc de montagne, éloigné de huit kilomètres du village le plus proche. Trois chats partagent actuellement leur existence, tous sauvés de l’abandon : Titus, Léo et Twelvie, dite Touitoui.
Touitoui est « ma » chatte : je l’ai trouvée errante dans une rue de Paris, alors qu’elle avait moins d’un an.
Puis elle a passé le plus clair des huit années qui ont suivi dans cette fin de vallée alpine, où la vie présente infiniment plus d’attrait que la routine étroite d’un petit appartement montmartrois. Lorsque je suis à Paris, elle me manque chaque jour ; et l’on dirait que c’est un peu pareil pour elle aussi, car nos retrouvailles sont toujours une fête.
J’ai retrouvé Touitoui le 15 février dernier. Elle a grossi. Elle a son pelage d’hiver, dense, et ronronne de plaisir lorsque je le peigne. Elle m’emmène en promenade dans le jardin, puis dans les pâturages et la forêt qui l’entourent. Parfois elle me dépasse, et m’attend un peu plus loin, puis je la dépasse, et ainsi de suite. Parfois elle se couche à mes pieds, le temps d’une pause, ensemble. De temps en temps, nous courons. Elle gagne toujours. Elle prend plaisir à escalader un bouleau ou un saule, avant de me narguer depuis la cime. Je l’attends. Je sais que ce sera bientôt mon tour de me moquer, lorsque nous traverserons une langue de neige et que mademoiselle n’appréciera pas trop… Touitoui aime le sol qui verdoie d’herbe fraîche. Brouter est l’un de ses passe-temps favoris. Mais en cet hiver, le sol, là où il n’est pas enneigé, n’offre qu’un ravage d’herbe desséchée et de terre retournée – l’œuvre des campagnols. Aucun végétal bon à croquer ne se présente.
Chaque jour, nous nous baladons ainsi, une heure ou plus. Et je songe à chaque fois que c’est merveilleux : deux êtres si différents, qui appartiennent à deux espèces*, et qui partagent un même plaisir, profitant de leur complicité, de la nature et du soleil.
Je me dis que, dans ces instants, je me sens profondément bien.
*J’écris « espèce » un peu pour tester comment ce mot résonne en moi, alors que je viens de découvrir que, si l’on osait enfin tirer toutes les conséquences de l’œuvre de Darwin, on admettrait que les espèces… ça n’existe pas ! Mon conseil de lecture du jour : Espèces et éthique. Darwin : une révolution à venir, Estiva Reus, David Olivier, James Rachels, Yves Bonnardel, éd. tahin party, 2001.
Comme un prolongement de ce billet, lire aussi : Sans titre et sans commentaire.