[La réflexion autour des messages efficaces versus contre-productifs se poursuit...]
Je suis. Tu banniras les je suis. Je suis végétarien-ne, je suis végétalien-ne, je suis végane, je suis antispéciste. Au passage, tu y trouveras une légèreté : celle de ne plus te coller toi-même une étiquette dans le dos, y a quand même assez de gens pour nous scotcher en permanence des « tu es » qui moi (pas vous ???) ont le don de me « tuer », alors stop ! Liberté même pour soi !
Au passage : on s’en fout de qui tu es. C’est d’eux - les animaux, té pardi ! - dont il faut parler.
Au passage : sont-ce les mots-concepts ou les messages qui priment ? Sois simple et clair. Utilise les mots de ton interlocuteur. Ne l’impressionne pas (sic), ne crée pas un mur entre lui et toi à cause de tes mots savants. Le spécisme est un bien pratique concept que nous nous devons de transmettre et d’expliciter ? Mais on peut le faire sans utiliser ce mot. Et veut-on que les gens deviennent antispécistes (utopie !! depuis quand les gens sont-ils antiracistes, antisexistes etc. ?) ou qu’ils comprennent le bien-fondé d’abolir l’esclavage et les meurtres des animaux ?
Au passage encore : l’autre n’a pas envie que tu lui dictes ce qu’il doit être. Donc, et là ce n’est plus un passage, mais d’importance :
Deviens végé ! Devenez végane ! Nan nan nan. Bannis ces injonctions de ton discours comme de tes tracts. L’autre est un individu qui comme toi, ne supporte plus depuis belle lurette qu’on lui donne des ordres.
Mais pas seulement pour cette raison : en Grande-Bretagne par exemple, être végane est devenu tellement accepté, intégré, que cela ne débouche sur absolument aucun changement social ; on est végane comme on aime le sport ou je ne sais quoi. Autre chose, j’ai pu lire récemment un courriel envoyé par le patron du commerce en ligne Un Monde Vegan, avec cette expression qui m'a frappée : « la passion d’être vegan ». Nous, on ne cherche pas à gagner de l’argent et donc on ne veut pas que les gens rejoignent notre « passion ». On veut qu’ils se mobilisent tôt ou plus tard pour faire passer l’idée qu’un monde sans exploiter ni tuer d’animaux est une revendication à tenir.
Autrement dit : « on préfère » des omnivores qui n’arrivent pas à se passer de leur viande mais comprennent l’intérêt de demander l’abolition de la viande (si tout le monde s’y met, ils s’y mettront !) plutôt que des véganes se gargarisant de leur véganisme (pureté intellectuelle, peau de velours, et patatita que je suis beau que je suis belle) mais ne bougeant pas le petit doigt pour contribuer à un changement dans la vision collective de notre rapport aux non-humains.
Et puis, aussi... plutôt que de dire… demande... invite l’autre à trouver les réponses lui-même. Ce seront les siennes. Elles ne lui en plairont que davantage.
Propose-lui, aussi, d’imaginer. Ce seront ses images. Son chemin de réflexion. Pas une philosophie prémâchée que tu lui assènes.
Nous y reviendrons dans le prochain billet.
Et dans celui-ci, je m'aperçois que j'ai utilisé l'impératif que je propose pourtant d'abandonner ! Mais c'est parce que c'est avant tout à moi, que je l'adresse... Et parce que quelque chose me dit que vous l'aurez compris...